Fils d'ouvrier horloger, François Péri s'est mué en écrivain et songe à écrire un roman sur la condition prolétarienne. Le "matériel sociologique", il doit le trouver dans cette fabrique qu'il visite, auprès de ces ouvriers qu'il interroge. Pourra-t-il prétendre à la restitution d'une expérience étrangère? Ne mêlera-t-il pas jusqu'à la confusion son propre passé, sa propre conception du monde? Peut-on écrire ce livre qui serait le sien, à partir des autres, en ne trahissant ni ces autres ni soi-même? Politique, création artistique, l'amour va s'en mêler à son tour, brûlant tout sur son passage. La rencontre, non d'une inconnue, mais de la femme de sa jeunesse, dont le souvenir n'a jamais cessé de l'obséder jusqu'à la hantise. Gaston Cherpillod a écrit là un roman passionnel, avant tout parce qu'il s'y est passionnellement engagé. A l'instar de François Péri, son "héros", il n'a pas craint de se mettre ouvertement en question. Comme dans "Le chêne brûlé" ou "Le Gour Noir", on trouve l'écrivain écartelé par la cohabitation de visages, d'idéaux, de fidélités contradictoires, qu'il s'efforce de maintenir en conscience, refusant de choisir comme on refuse d'abdiquer. "Le collier de Schanz" symbolise cette volonté farouche de continuer, la tête haute, en dépit de ce qui ronge le cœur. Jamais, peu-être, Cherpillod n'a été aussi loin, jamais il n'a été aussi vrai. Il a écrit un grand roman parce qu'il n'a jamais fait taire les interrogations et les aspirations qui ont été celles de toute sa génération. A ce titre, "Le collier de Schanz" restera aux côtés du "je" de Velan et des "Chroniques" de Haldas, le meilleur témoignage sur la Suisse romande des dernières décennies. [4e de couv.]